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DIFFAMATION SUR UNE PAGE FACEBOOK : la responsabilité du "producteur"

À défaut d’auteur, le producteur peut engager sa responsabilité pour des propos diffamatoires publiés sur une page Facebook. La Cour d’appel est venue rappeler ce régime de responsabilité en cascade, prévu par l’article 93-3 de la loi n°82 652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, dans son arrêt du 13 novembre 2020.


Le 6 février 2019, une plainte est déposée pour diffamation envers un particulier, pour des propos publiés sur la page Facebook « ASNIÈRES MA VILLE ». Or, aucun auteur n’est identifié, la société Facebook, sollicitée par les enquêteurs, n’ayant apporté aucune réponse.


Seul le créateur et administrateur de la page en question, dédiée à l’association dont il est Président, est identifié, mais une ordonnance de non-lieu est rendue le 11 février 2020 : « celui-ci a toujours nié être l’auteur de ces propos, précisant que de nombreuses personnes avaient accès à cette page et étaient susceptibles d’avoir écrit les propos incriminés. De plus, il a indiqué avoir supprimé la publication litigieuse dès qu’il en a eu connaissance, la rendant ainsi inaccessible au public. Les policiers ont d’ailleurs constaté, le 31 juillet 2019, que les propos en cause n’étaient plus accessibles en ligne. (…) En conséquence, l’information n’a pas permis d’identifier le ou les auteurs des faits de diffamation dénoncés (…). Un non-lieu sera donc ordonné. »


L’avocat de la partie civile interjette alors appel de cette ordonnance, rappelant les dispositions de l’article 93-3 de la loi n°82 652 du 29 juillet 1982, ainsi qu’une décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 16 février 2010 (pourvoi n°0981064).


L’article 93-3 dispose notamment que « Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.

A défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. (…) »

Découle donc de ce texte un régime de responsabilité en cascade : une mise en cause du directeur de la publication, puis de l’auteur et, à défaut, du producteur.


Selon la Cour de cassation, dans la décision précitée et sur laquelle le conseil de la partie civile fonde son argumentaire, une ordonnance de non-lieu, dans un cas similaire au cas d’espèce, n’est pas justifiée si le juge d’instruction n’a pas recherché si le directeur de la publication avait également la qualité de producteur, au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.


En l’espèce, la Cour d’appel fait application de cette décision et relève que le juge d’instruction ne s’est prononcé qu’à l’égard de la qualité d’administrateur de la publication afin d’exclure la responsabilité pénale de ce dernier, en application des dispositions de l’article 93-3 précité.

Or, la Cour rappelle que cette exonération de responsabilité prévue par les textes ne concerne qu’un cas bien précis : « un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel », ce qui n’est absolument pas le cas ici puisque le message litigieux a été publié depuis l’interface d’administration de la page Facebook, et non par un internaute.


De plus, à défaut d’auteur, le producteur pourrait être poursuivi comme auteur principal, si bien qu’il appartient au juge d’instruction de rechercher si l’administrateur de la publication peut également avoir la qualité de producteur, et ainsi engager sa responsabilité.


La Cour d’appel infirme donc l’ordonnance de non-lieu rendue.


Chloé BONVALET

Anaëlle ZUMSTEEG, en stage au sein du cabinet BONVALET&DELIGHAZARIAN


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