Condamnation des sociétés Jeff KOONS LLC et du Centre Pompidou pour contrefaçon
L’artiste américain Jeff KOONS avait déjà eu affaire à la justice française en 2008, alors que celui-ci exposait une quinzaine de ses œuvres, notamment son « BALLOON DOG » rose et haut de trois mètres, au Château de Versailles. Le Prince Charles-Emmanuel de BOURBON-PARME - qui se présente comme un descendant en droite ligne de Louis XIV – avait en effet réclamé, devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles puis devant le Conseil d’Etat, l’interdiction de l’exposition Jeff KOONS au Château de Versailles, pour « profanation et atteinte au respect dû aux morts ». Cette requête fut rejetée en appel, le Conseil d'Etat estimant dans son ordonnance du 29 décembre 2008 que cette requête n'était pas fondée, et qu’il n’y avait « aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale », ainsi que l'avait déjà statué le juge des référés. Le 9 mars dernier, en revanche, la décision n’a pas été favorable à l’artiste. Le tribunal de grande instance de Paris a en effet récemment jugé que la sculpture « Naked » de l’artiste, créée en 1988 (soit 29 ans plus tôt…) et représentant un garçon nu offrant des fleurs à une fille également nue, était la contrefaçon d’un cliché du photographe français Jean-François NAURET. Les juges, se basant sur l’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle, ont estimé que l’artiste s’était « servi des modèles de la photographie en faisant l’économie d’un travail créatif, ce qui ne pouvait se faire sans l’autorisation de l’auteur » et que les variations apportées par Jeff KOONS n’empêchaient pas de reconnaitre et d’identifier les modèles et la pose, éléments essentiels protégés de la photo originelle. Le tribunal constate également qu'en l'espèce, il s'agit d'une « adaptation personnelle de la photographie par l'artiste qui a délibérément incorporé dans son œuvre nouvelle les composantes de la photographie constituant ainsi une œuvre composite qui ne pouvait se faire qu'avec l'accord de l'auteur de l'œuvre préexistante », conformément à l'article L.113-4 du Code de la propriété intellectuelle. La société gérée par l’artiste, JEFF KOONS LLC, ainsi que le Centre Pompidou (qui, bien que n’ayant pas exposé cette œuvre lors de la rétrospective consacrée à l’artiste de novembre 2014 à avril 2015 l’a tout de même reproduite sur des supports de l’exposition) ont par conséquent été condamnées à verser 20.000 euros aux ayants-droit du photographe en réparation du préjudice subi, ainsi que 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La société du plasticien a en outre été condamnée à payer 4.000 euros supplémentaires aux ayants-droit pour avoir reproduit l’œuvre litigieuse sur son site Internet. Il semble intéressant de préciser, afin de cerner l’enjeu de cette condamnation, que les ayants-droit réclamaient initialement la somme de 2.500.000 euros de dédommagement. « L’art de l’appropriation », revendiqué par Jeff KOONS et de nombreux autres artistes contemporains, tel Richard PRINCE, n’a cette fois encore pas convaincu les juges français, qui limitent les atteintes au droit d’auteur à de rares cas prévus par l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle, tels que l’exception de courte-citation ou encore la caricature. Aux Etats-Unis, d’où est originaire Jeff KOONS, la décision aurait sans doute était différente, le droit américain défendant de plus en plus fréquemment l’exception de « fair use ».